::HYBRIDATION::

Duo parisien formé de Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin. "Tout notre travail est fondé sur la question de la conscience du vivant et de sa manipulation par la science et la société", expliquent-ils. Et, très logiquement, ils ne manipulent qu’eux-mêmes pour produire leurs étranges créations. Culture de peau d'artiste, déposée sur un derme de porc et puis tatouée. La culture de peau humaine est trop fine pour subir cette intervention. "Nous offrons de véritables morceaux de nous-mêmes soumis à la biotechnologie. De ce fait, nous ne manipulons que nous-mêmes, et aucun autre être vivant. Cette position de cobaye nous semble essentielle sur le plan de notre éthique personnelle".
Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin, artistes, se sont réunis en 1991 derrière le concept d’Art Orienté objet.



Entre art et science, éthologie et anthropologie, l’étendue du champ d’action de Art Orienté Objet (A.O.o. ) ne néglige aucune piste dans ses recherches sur nos comportements à l’égard du vivant. Au-delà des problématiques d’actualité qu’il croisent, (transgénie, réduction de la biodiversité, pandémies, mutations dues aux nouvelles technologies), leur art se cristallise avant tout dans une dimension à la fois bioéthique et expérimentale. Il participe ainsi à l’un des questionnements les plus importants de notre époque : celui de la redéfinition des frontières de plus en plus intangibles entre les domaines de l’humain, de l’animal et de la technologie. Si certaines prospectives annoncent et promettent une hybridationcroissante de ces trois mondes, A.O.o semble prêt à relever le défi. Mais pas à n’importe quel prix. L’exposition NéoFutur présentée récemment (aout 2008) aux Abattoirs de Toulouse est l’occasion de considérer toute l’étendue de leur travail récent et la portée de cette position. A cet égard, les titres des oeuvres résonnent comme un programme : « La machine à expérimenter le vertige existentiel »,« Pioneer Ark », « La machine à méditer sur le sort des oiseaux migrateurs », « Quand il n’y aura personne », « Le Tout Autre », « Bwiti Turning ». Les deux dernières en particulier proposent même de nouvelles perspectives par l’ouverture mentale à d’autres cultures et d’autres formes de spiritualité ou d’empathie. Liées à des fonctions prophylactiques et salvatrices, elles sont à considérer comme autant de solutions alternatives opératoires et de gages d’espoir. Elles militent ainsi pour une « poétisation » et un renouvellement de l’imaginaire de notre relation au monde à venirIls sont passionnés par les sciences du vivant, et par celle du comportement en particulier : de l’éthologie à l’ethnopsychiatrie.

Leur projet :

Ils développent en ce moment une recherche sur la question des « risques majeurs », qui couvre une vaste étendue des peurs que nous avons concernant les catastrophes, qu’elles soient d’ordre naturel (tremblements de terre, raz de marée, éruptions volcaniques, inondations…), industriel (nucléaire, chimique…), ou autre, qu’elles soient induites par l’activité humaine ou non. Ils poursuivent cette recherche en partenariat avec le laboratoire d’arts plastiques de l’université Paris I, et avec l’École normale supérieure de Paris et le Palais de Tokyo.

Le Japon est une destination qui les a intéressés au premier chef, car il a fait de cette prise en compte depuis les années soixante une question de survie. Ils ont trouvé dans des lieux qui travaillent sur ces questions, tel que le National Research Institute for Earth Science and Disaster Prevention (NIED), situé à Kobe, très près de Kyoto, un terrain d’approche fascinant. Le NIED comprend plusieurs laboratoires de recherche dédiés à des risques particuliers familiers aux Japonais, comme le risque sismique qu’ils modélisent au moyen de simulateurs de tremblements de terre en grandeur réelle. Comme ils l’ont déjà fait lors de précédents séjours à l’étranger durant lesquels ils avaient intégré des territoires extra-artistiques (par exemple les cohortes de Framingham en 1996), ils projettent de créer avec ces équipes de chercheurs les conditions d’un échange artistico-scientifique.

Un deuxième lieu qui les a attirés au Japon est l’Institut de primatologie de l’université de Kyoto. Celui-ci, par la diversité de ses recherches, de la physiologie à l’éthologie en passant par les recherches génétiques, les intéresse à plusieurs titres, fascinés qu’ils sont dans leur travail par la question de l’animal et de son rapport à l’homme. De cette immersion dans des milieux scientifiques, ils espèrent poursuivre leur invention d’un langage plastique inattendu, réconciliant une approche scientifique cognitive, et la jouissance esthétique la plus émotionnelle.

ART ORIENTÉ objet,
Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin
duo créé en 1991 à Paris.